dimanche 11 août 2013

Point Limite Zéro. Station 0.

Tout se passe sur la route.

La route, la voie, le sentier, la chaussée, appelons ça comme on veut, celle qui mène à l'arrivée ou qui perd à travers la forêt, celle que l'on prend pour se rendre ou pour sentir comment la fuite se répand - la route. Ni le point de départ, ni le point d'arrivée mais le segment. La ligne entre le ciel et la terre, c'est-à-dire entre le haut et le bas, c'est-à-dire entre les héritages enfouis et les croyances auxquelles ont se voue, c'est-à-dire encore le segment d'un recommencement. 
Tout se passe en fait comme si rien ne devait se passer. Il n'y aurait pas de mot d'ordre, pas de date fondatrice, pas de mythe, pas d'unisson, pas de motif commun apparent, pas DE PASSAGE A L'ACTE ANTICIPE.
Il n'y aurait AUCUN SIGNE DE LEUR VOLONTÉ.
Il y aurait des hypothèses, des spécialistes, des experts invités.
Il sera question de les arrêter, il sera demandé de les signaler. 
Ils seront suspects. 
Tout simplement parce qu'ils marchent.


samedi 10 août 2013

Document / Retranscription


A mon arrivée à Athènes, j’ai rencontré un philosophe, un traducteur, un grec se présentant devant moi avec son cartable en cuir, ses livres annotés, et ses polycopiés.

V : 

- Toi / tu as fait le voyage / de toute façon / tu as marché vers Athènes / moi je, je peux te demander, hein, je te pose des questions moi / pas toi. POURQUOI TU FAIS LA MARCHE VERS ATHENES ? C’est TOI qui dois répondre d’abord / pas moi. POURQUOI TU ES VENUE ICI ?Pour moi, je crois que c’est la question de l’héritage / quel est mon comportement à l’égard de l’héritage? / Qu’est-ce qu’il dit Derrida ? C’est un « double bind », hein - double contrainte / c’est la matrice de la schizophrénie / d’un côté je dois respecter l’héritage / ça veut dire, je lis attentivement / selon la lettre / je respecte ce qu’on m’a donné et je le REAFFIRME / mais en le réaffirmant, je le dépasse, je le nie, je le corrige / C’EST CA / et tu es à Athènes en ce moment et on est en pleine crise / EN PLEINE CRISE. 
Et la question actuellement qui se pose en Grèce / c’est que / la question que tu poses / c’est la figure de l’héritier. L’héritage on pourrait dire d’une manière abstraite / on hérite tout le passé sans le savoir / tout, tout, tout - tout est dedans, tout / mais selon les moyens de chacun on choisit de cet héritage ou une partie de cet héritage devient plus consciente / en nous / en moi / en toi  et / oui, oui très bien la REAFFIRMATION, / la réaffirmation c’est quoi ? Je le respecte mais / mais c’est le PRESENT / un présent qui demande / ce que Jacques Derrida dit / c’est LA JUSTICE / LA JUSTICE c’est quoi ? / Une idée de la justice, INCONDITIONNELLE / SANS CONDITION / Tu as une idée de la justice ?  / Quand je vois des marxistes qui me disent : 
-   Mais c’est quoi la justice ? 
-   La justice, tu CONNAIS pas toi la justice, c’est une idée ! 
-   Oui mais c’est quoi c’est abstrait? 
- Oui mais quand tu dis, toi en tant que marxiste, à bat l’aliénation, il faut finir avec l’exploitation de l’homme par l’homme, c’est quoi ? Tu parles au nom de quoi ? 
-   De l’égalité 
-   Très très bien mais c’est quoi l’égalité ? Tu peux la toucher,  tu peux la manger ? C’est une idée n’est-ce pas ? L’égalité, tu l’as trouves où ? C’est une idée abstraite INCONDITIONNELLE,  ABSOLUE. 
Parce qu’actuellement tu es en Grèce et la grande question urgente, urgente - c’est la justice. On dit la justice sociale. C’est la justice ! Je parle de la question urgente. Parce que tout ton texte, hein, la nécessité de marcher. Il y a une nécessité. Et moi je dirais c’est l’urgence. C’est ça, c’est la nécessité de marcher. 

C. : 
- C’est la question du présent dont tu parlais tout à l’heure, le présent ce serait la justice ? 

V. : 
- Exactement, exactement, exactement


Le Mont Analogue

"Vous me comprenez, me dit Pierre Sogol, nous avons à décider de choses si graves, dont les conséquences peuvent avoir tant de répercussions dans tous les recoins de nos vies, à vous et à moi, que nous ne pouvons pas tirer comme cela de but en blanc, sans avoir un peu fait connaissance. Marcher ensemble, parler, manger, se taire ensemble, voilà ce que nous pouvons faire aujourd'hui. Plus tard, nous aurons des occasions d'agir ensemble - et il faut bien tout cela pour "faire connaissance" comme on dit".


Amarrer

Le retour au port avec l'équipage fut tel que j'en aurais presque oublié que sur l'île il y a la montagne, et que la montagne on la grimpe, on s'y hisse et on s'y recueille. Mais il fallait bien ça, après les dernières traversées, retrouver le souffle, retrouver sa petite foulée pour avancer du bon pied sur la terre mi-molle du mont abandonné. 

Il y a eu la traversée portugo-franco-belge avec l'équipe de This Kiss to the whole world. Une pièce ascensionnelle où mon poste de dramaturge m'a fait chercher du côté de l'écriture du regard et toujours de l'enquête. Enquêter à l'intérieur d'une pièce en train de se construire, ramener des pistes, au petit matin faire des plans, revenir le soir et mettre à plat, investir les murs et tenter de voir apparaître la bête du spectacle qui toujours se dérobe jusqu'au moment où elle ne fait plus aucun doute, on sent son souffle derrière son épaule.  La dramaturgie c'est la plus belle coquille vide jamais trouvée, c'est un poste à inventer toujours, apprendre à poser son regard là où d'ordinaire il ne verrait rien, se plonger dans des images qui ne sont pas les siennes, des manières de conduire, d'opérer, de bouger. C'est savoir les saisir, avec bienveillance, et les accompagner. C'est créer un axe stable entre l'histoire, le contexte et une sorte de prévision du futur. This Kiss aura été comme un bateau pneumatique, le pied constamment sur le gonfleur, à le regarder parfois dériver et à s'émouvoir pourtant que l'embarcation arrive à bon port et soit accueillie. Dans cette pièce, il était question d'attente, de désir et de récits immémoriaux. Il était question de fantôme, d’œil brûlé, de carnaval et d'émancipation crue.

Texte de présentation: Faudrait-il attendre son tour? Que ça passe, que ça se passe? Faudrait-il se présenter? Dire je, dire nous, ne plus rien dire du tout? Faudrait-il passer à autre chose? Passer enfin a autre chose? Nous serions les habitants de ce temps de l'attente: une antichambre, un tapis volant, une zone de transit. Et si ce temps existait de quoi serait-il fait? De nos souvenirs, de nos espoirs imprévisibles, de nos petites pesanteurs, de nos élans démesurés? Y ferions-nous un plan, un feu, une fête? Ferions-nous apparaître des monstres? Et dans ce paysage sans histoire pourrions-nous y raconter toutes les histoires? Pour parvenir à distinguer les voix. Celles qui parlent. En moi et pour moi. En nous et pour nous.

Dans le même temps ou peut-être dans un autre temps, la Radio kom.post [l'occupation des ondes] est née! Elle est née à Montpellier, au cœur d'un travail d'enquête (Ô!) qui a pris pour point de départ  l'ouverture de la Panacée, en la considérant comme le démarrage ou la reprise d'une conversation à l'échelle de la ville. Chaque personne rencontrée, détentrice d'un savoir et d'une pratique du lieu, nous a renvoyé à un autre point, un autre lieu, un autre temps, une autre interrogation.  Du chef de chantier à Rabelais, des Frères Platter aux problématiques urbaines, des étudiants aux voisins...De cercle en cercle, l'enquête avançait comme un champ magnétique en perpétuel mouvement. Nous avons alors imaginé un outil conversationnel, nomade et ouvert qui a pris la forme d'un dispositif de piratage in situ et mobile : « RADIO KOM.POST, l'occupation des ondes ». Il se décline depuis une table de radio jusqu'en différentes zones de la Panacée, à présent « occupées » par ces voix, personnes, histoires qui se croisent sur des termes communs mais à vocation à sa déplacer à travers la ville pour des temps d'émissions ponctuels et pirates. 


Et puis l'université, ce sous sol dans lequel il fait de plus en plus noir, et comme des petites âmes clandestines on a façonné de nos mains et par des réseaux sous terrains la revue Arrière Pensée. Elle est belle et précieuse mais elle refuse de croire que sa beauté est dûe au fait qu'elle soit cachée. On va tenter de la faire rayonner, cette année encore avec les quelques épluchures qu'on nous balance! "Manger les restes", ce sera peut-être le thème de notre prochain numéro...
Et toujours Point Limite Zéro qui est en ce moment-même en train de se terminer...
Mais j'arrête là, l'art de la montagne c'est aussi une question d'éco /logie / nomie...

lundi 21 janvier 2013

L'attrait de l'espace infini

Plongée dans Point Limite Zéro. Ecrire, assembler, monter, inventer des documents et retrouver la musique du poème en marche.





dimanche 20 janvier 2013

L'enquête: Lacunaire et miracleuse

"Une enquête, cela ne progresse pas comme une démonstration. La solution est rarement au bout. C'est à côté qu'elle se tient, là où on ne la cherche pas, lorsqu'à coups d'escaliers harassants, de confrontations problématiques, de communications décevantes, on a épuisé le champ du probable." Sébastien Japrisot, "Compartiment tueurs". 


kom.post suite

Pour faire suite au précédent post sur le collectif kom.post, voici les différents projets auxquels je participe, mêlant enquête de terrain, écriture dramaturgique, création sonore et expérimentations politiques de participation. Dans l'ordre :

- Fabrique du Commun, Festival Reims Scènes d'Europe à la Comédie de Reims
Le Collectif kom.post propose de détourner le format de la conférence habituelle en l’ouvrant à la participation de tous. En transformant l’espace de tribune en espace de travail contributif, les pratiques et savoirs de chacun peuvent se rencontrer, se commenter et s’augmenter les uns les autres. En présence de Rogert Bernat (Metteur en scène, Espagne), Bertrand Ogilivie (philosophe et psychanalyste, France), Diogo Sardinha (philosophe, Portugal), Rafael Spregelburd (Ecrivain et metteur en scène, Argentine), Théophilos Tramboulis (écrivain et curateur indépendant, Grèce) et les équipes artistiques, organisatrices et spectatrices du festival et avec les collaborations de : Etienne Balibar (philosophe, France), Céline Cartillier et Mathieu Bouvier (artistes, France), Monique Chemillier-Gendreau (juriste, France), Laurent Jean-Pierre (chercheur en science politique, France), Frédéric Lordon (économiste, France), Alexandros Mistriotis (artiste, essayiste, Grèce) et Bernard Stiegler (philosophe, France)


- Lieux-dits, Poitiers
 Le collectif kom.post est en résidence pendant plusieurs mois dans le ville de Poitiers afin de collecter et éditorialiser la ville grâce à différents dispositifs: une sonosphère, une revue contributive en ligne, des ateliers, des fabriques du commun, des performances, des séances d'écoute collective, des créations sonores et plastiques singulières. Lieux associés au projet: l'École Européenne de l'image, le Confort Moderne, La Fanzinothèque, Le Lieu Multiple, La Médiathèque François Miterrand.

- Musée de la conversation, La Panacée, Montpellier
 Dans le cadre de l’ouverture de La Panacée, centre d’art dédié aux nouvelles formes d’écritures numériques, le collectif kom.post est invité en résidence. Kom.post développe un travail d’écriture et d’enquête sonore où l’ouverture de la Panacée est traitée comme une conversation à l’échelle de la ville, pouvant s’augmenter, s’interrompre et se diffuser à travers différents supports sonores (émetteurs radios à ondes courtes, postes d’écoutes dans la ville).